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Entretien avec le romancier Alexis David-Marie

« Est pour moi réussi le livre, roman, récit ou recueil de nouvelles, qui me convainc de la pertinence de la règle qu’il s’est lui-même donné pour m’emmener quelque part »

Comment est né Prométhée vagabond ?

Alexis David-Marie: La première étincelle qui devait me conduire à l’écriture de ce roman fut ma rencontre avec Matthias Knutzen. J’ai découvert ce personnage authentique (les textes de lui cités le sont aussi) dans la Naissance de la conscience morale d’Heinz D. Kittsteiner. Son allure, sa canne, ses propos m’avaient beaucoup frappé. Quelques années plus tard, m’est soudainement venue l’idée de deux étudiants cheminant ensemble, discutant de religion et faisant la rencontre de Matthias Knutzen. Une belle occasion pour moi d’incarner la problématique de la foi, dans sa dimension historique et philosophique.

 

Comment envisageais-tu l’expérience au début de ton processus littéraire ? Est-ce un frein ou un stimulant que de se baser sur une matière historique ?

A D-M: J’avais très rapidement adopté le parti pris esthétique d’un réalisme intransigeant qui devait immanquablement me conduire à un effort laborieux de reconstitution. Cette contrainte quasi oulipienne m’était à cette époque nécessaire pour assumer le passage à l’acte d’écrire. La rigueur de reconstitution que je tâchais de m’imposer, et les nombreuses lectures et recherches qu’elle impliquait, fut la torche qui me fit avancer dans le travail. La liberté totale du genre romanesque est effrayante et souvent tétanisante : un roman n’a de règles que celles qu’il se donne et auxquelles il parvient à faire adhérer son lecteur.

 

Te revendiques-tu d’une tradition particulière ?

A D-M: Bien sûr Prométhée vagabond est un hommage au genre picaresque, que j’affectionne beaucoup en tant qu’il vise à susciter la réflexion par la différence, la bizarrerie et la disgrâce des picaros qu’il met en scène. Sinon, je ne me revendique d’aucune tradition particulière sinon celle d’auteurs qui sont parvenus à me faire ressentir, j’y reviens, l’altérité irréductible d’une époque et de ses mentalités dans une écriture fluide et accessible. Cela peut concerner aussi bien Umberto Eco et Le Nom de la rose, Léo Perutz et son Cavalier suédois ou même John Steinbeck et son magnifique A l’est d’Eden

 

Quel est le propos sous-jacent ?

A D-M: En écrivant Prométhée vagabond, j’avais vraiment à cœur de ne pas faire un roman à thèse. Je ne voulais surtout pas prouver, par le moyen d’une intrigue de fiction, ce que je pense personnellement de la véracité de la foi. Mon intention était plutôt, et si propos il y a, ce serait celui-là, d’incarner la problématique de la foi telle que je la conçois. Cette problématique, je la visualise comme un mobile (bibelot mécanique que l’on peut mettre en mouvement) dont chaque élément est relié aux autres et en dépend : preuves, témoignages, doutes, intérêt, modalités… Bâtir, incarner et animer le mobile de la foi religieuse tel que je le vois. Avec en arrière plan, la question de la place que l’on accorde à la vérité dans notre vie.

 

Comment as-tu travaillé pour la reconstitution historique ?

A D-M: Mon travail de reconstitution suivit trois axes principaux. D’abord, celui de l’exploration de l’univers matériel de l’Europe du XVIIe siècle (conditions de voyage, de logement, vêtements, prix des choses…). Puis celui de la découverte des horizons intellectuels de cette époque, par la fréquentation des œuvres d’art de cette époque : tableaux, gravures comme celles de Callot, musique et bien sûr les romans écrits durant ce siècle. Ce dernier point me conduisit au troisième axe : l’étude de la langue française du XVIIe. Mon guide fut la Grammaire du français classique de Nathalie Fournier, que je complétai par une palette personnelle d’expressions relevées dans les écrits littéraires et philosophiques du Grand Siècle, Scarron, Furetière, Tristan L’Hermite… A cet égard, je dois reconnaître une dette importante envers le volume Ecrits libertins du XVIIe de la Pléïade.

 

Quels sont tes goûts littéraires ?

A D-M: Ils sont éclectiques et je ne voudrais surtout pas répondre à une telle question en alignant des noms. Cela peut sembler simpliste, mais je suis de plus en plus convaincu qu’en littérature, il n’y a pas vraiment d’autre étalon que celui du désir à tourner la page. Je m’explique. Est pour moi réussi le livre, roman, récit ou recueil de nouvelles, qui me convainc de la pertinence de la règle qu’il s’est lui-même donné pour m’emmener quelque part. Si j’ai envie de tourner la page, et que ce désir n’est pas motivé par une simple curiosité de renseignement (curiosité non littéraire à mon avis, et à laquelle répondent fort légitimement les essais), c’est que le livre touche bien quelque chose.

 

Tu as écrit une pièce de théâtre. Veux-tu en parler ?

A D-M: Oui, j’ai en effet écrit une pièce, La Reconquête de l’Amérique, montée depuis par la compagnie Planète pas net, et qui suit aujourd’hui son petit bonhomme de chemin. Elle met en scène un Amérindien, vétéran de la guerre du Vietnam, qui croit pouvoir reconquérir l’Amérique à lui tout seul par la magie d’un talisman. On y retrouve par ailleurs la question du maître et de son disciple qui parcourt aussi Prométhée vagabond.

 

Merci, Alexis!

Vous pouvez retrouver le roman d’Alexis David-Marie, Prométhée vagabond, sur cette page.