Inscrivez-vous à notre newsletter
Aux forges de Vulcain > Actualités > Actualités > À quoi bon faire le tour de France à vélo quand on peut prendre le train (2/6)

À quoi bon faire le tour de France à vélo quand on peut prendre le train (2/6)

Les Forges de Vulcain vous proposent, chaque mercredi de l’été, de découvrir un extrait du dernier roman de François Szabowski, « Il n’y a pas de sparadraps pour les blessures du cœur », lu par l’auteur à l’occasion de la soirée du 5 juillet 2013 à la librairie du MK2 Quai de Loire.

Ou sa version texte seulement.

 

Deuxième extrait :
À quoi bon faire le tour de France à vélo quand on peut prendre le train

 

La version audio :

 

La version texte :

Je constate avec étonnement et fatigue que, contrairement à ce que je pensais, les ardeurs sexuelles de Rose mettent très longtemps à faiblir. Nos rencontres, jusqu’ici, avaient toujours été brèves, et ne m’avaient pas donné l’occasion de me rendre compte du feu qui consume son âme. J’en reste abasourdi et hagard, car ses emportements d’hier nous ont menés jusque tard dans la nuit, et j’ai dû au coucher glisser quelques gouttes de valériane dans sa tisane pour être certain d’avoir une nuit tranquille. Il est vrai que la sexualité du troisième âge est pour moi un mystère, une confuse Atlantide dont j’avais jusque-là, je l’avoue, une image fausse. En dépit d’une longue nuit, je me suis de fait réveillé très fatigué, les yeux sableux, et mes doigts étaient si gourds que j’ai eu toutes les peines du monde à ôter le bandeau élastique que je continue à mettre la nuit autour de mes oreilles. Rose n’a pas pu s’empêcher de sourire en rougissant quand, à mon arrivée dans la cuisine, elle a vu les cernes qui s’étaient creusés sous mes yeux, et elle s’est montrée particulièrement tendre avec moi pendant le petit déjeuner, beurrant mes tartines et remplissant bols et assiettes au fur et à mesure que je les vidais. Il est bien clair que j’ai là affaire à un être humain d’une autre trempe que Clémence, élevé a cette époque lointaine ou les notions de reconnaissance et de dévouement avaient encore un sens, et j’ai eu un mal fou à me lever de table tant les rations avaient été copieuses. J’ai formé un temps le projet de partir en chasse parmi les rues de la ville à la recherche d’un nouveau souffle propre à faire décoller mon projet de roman, mais mon corps sans forces m’a trahi, et j’ai passé finalement la journée en position d’attente dans le canapé du salon à regarder la télévision. Rose remplissait régulièrement ma tasse d’un thé tiède que j’augmentais discrètement d’une lampée de calva, dégustant les petits gâteaux qu’elle avait mis à ma disposition sur la table basse, tandis qu’elle restait à mes cotés, plongée alternativement dans le cliquetis monotone du tricot et le vrombissement sauvage de la machine à coudre, quand elle n’était pas aux fourneaux occupée à préparer le repas, d’où me parvenait assourdie la voix des animateurs de radio qui peinait à couvrir le bruit de la friture. J’ai été éberlué au sortir de ma sieste de découvrir qu’il était déjà près de 20 heures et que la journée avait filé comme un rêve. Un lapin aux petits pois mijotait dans le fait-tout, Rose était toute sémillante, et, comprenant que ma journée sur le plan érotique était sans doute loin d’être terminée, j’ai ouvert à la va-vite une bouteille de vin rouge pour me donner du courage.